Revue Blink Blank, n°4, Automne-hiver 2021
DE L'ANIMATION EXPÉRIMENTALE
À quelques mois d'intervalle, deux cinéastes évoluant dans l'environnement du cinéma d'animation expérimental signent des ouvrages particulièrement pertinents. Les démarches des deux auteurs sont toutefois très différentes, car si la pratique d'écriture d'Hébert est vaste et soutenue depuis plus de cinquante ans celle de Negre est ici plus scolaire, au sens où son livre semble découler directement de sa thèse de doctorat et d'une mise en perspective théorique rigoureuse de sa propre pratique artistique.
Pierre Hébert, dans Toucher au cinéma, revisite et recontextualise divers textes qu'il a publiés au cours de ces quinze dernières années, plaçant ceux-ci en relation avec plusieurs de ses dessins, puisque sa pratique artistique s'est considérablement enrichie sur ce plan récemment (pensons notamment à Têtes, publié aux éditions de l'Œil en 2017). Le livre ne constitue donc pas strictement une réflexion de l'artiste sur sa création, mais plutôt un travail de pensée plus général qui l'amène par exemple à écrire à propos d'autres artistes : Karl Lemieux, William Kentridge, Wang Haiyang, Peter Mettler. La liberté de ton et de thèmes nous permet d'affirmer qu'il s'agit là de l'œuvre d'un véritable essayiste, capable de cristalliser par l'écriture une pensée mouvante et complexe.
Tout aussi pertinente, la démarche de Richard Negre est plus facile à circonscrire. Il s'agit ici de démontrer avec clarté et de manière systématique la base conceptuelle sur laquelle reposent une série de gestes artistiques - en l'occurrence les films de l'auteur - et d'exposer les variables contextuelles entourant la réalisation de chacun de ces films. La démonstration est claire, limpide et le cinéaste a rendu disponibles sur Internet ses six courts métrages, ce qui permet au lecteur d'y référer facilement.
Marcel Jean
Pierre Hébert, Toucher au cinéma, Montréal, Somme Toute, 2021.
Richard Negre, Immobilité et mouvement : négocier avec le temps, Paris, L'Harmattan, 2020.