Pour le catalogue de l'exposition " Images secondes"
Espace d'art contemporain Camille Lambert, 2014.

Richard Negre, issu d'une formation d'animateur aux Gobelins, école de l'Image, a choisi d'inscrire sa pratique dans le champ de l'expérimentation. Il s'approprie les différentes techniques liées à l'image en mouvement et donne à voir dans l'exposition des modes de projection renouvelés (vidéoprojecteur, film 16mm gratté) ainsi que différents temps du travail menant à un film animé (dessins, papiers découpés, diapositives). Ses recherches sont liées à son environnement et à sa propre histoire. En effet, ses films relèvent de l'intime, se réfèrent à des temps personnels tout en conservant une distanciation. L'artiste ne se livre pas, mais se devine derrière ses projets. La série de dessins Une seconde par jour qui accueillent le visiteur dans l'exposition est extraite d'un projet un peu fou: dessiner tous les jours les vingt cinq dessins nécessaires à la réalisation d'une seconde en animation, pendant un an. Les 365 jours de l'année 2010 furent rythmés par ce travail contraint et contraignant. Une ligne, s'articulant autour de pleins et de déliés courent sur les 9000 dessins nécessaires à l'aboutissement du film dont la mise en oeuvre s'apparente à une performance chorégraphique. Abstrait, le film n'en est pas moins le journal intime d'une année de création.
L'exposition offre la possibilité de faire se répondre différents dispositifs. Un grattage sur pellicule projeté en 16mm rentre en dialogue avec Atelier 1.0 qui donne à découvrir l'atelier de l'artiste modélisé où l'immobilité apparente de la pièce est perturbée par ce même grattage projeté à l'intérieur du film. Animation et projection se confondent. La confusion est complète avec l'ajout à la scénographie d'une impression 3D qui fige de manière tangible un instant de l'animation. Le film prend corps littéralement dans l'exposition. L'atelier donne la véritable mesure de son rôle de lieu de création.
Le format de l'exposition est doublement interrogé quand le sujet du film devient une visite d'exposition, ici datée du 7 septembre 2014. Chaque arrêt du regard devant une oeuvre donne lieu à un dessin qui ensuite est animé. Pour Images secondes, Richard Negre a choisi de montrer le film, décomposé, à l'état d'image statique, par le biais de diapositives.
Les papiers découpés des Paysages intermédiaires s'inscrivent dans l'espace et se donnent à voir comme des bas-reliefs. Tirés de carnets de croquis, l'artiste imagine les déplacements possibles entre deux dessins d'une expérience vécue et les met en mouvement. Le temps du croquis est celui d'un arrêt, celui de l'oeil qui vient figer un instant auquel l'artiste redonne vie. L'animateur devient démiurge, de son crayon naît le mouvement. Cette technique est indéniablement ludique. Le champ de possibles pour transformer la réalité est illimité.

Morgane Prigent, 2014