Pour l'exposition " Minimalisme complexe "
Galerie du Haut-Pavé, Paris, 2008.

MINIMALISME COMPLEXE

Pour avoir découvert l'oeuvre de Richard Negre pour la première fois dans son atelier, j'en ai gardé le souvenir d'un point de vue particulièrement complexe. Pourtant le minimalisme des formes superposées par calques successifs, accrochées au mur, me semblait affirmer la solidité de leur découpage géométrique, tout en les dissimulant derrière la fragilité tremblante de ces papiers translucides. Devant moi, immobilité et mouvance s'additionnaient pour signifier leur « presque volume », et l'ambiguïté de leurs formes. Tout dans le travail de Richard part du point, pour tracer dans l'espace, et sur des surfaces planes, la linéarité de tracés qui évoquent ce qui se construit et ce qui se détruit.
Grâce au papier calque, mes yeux ne peuvent complètement suivre ces parcours rectilignes, de points d'ancrage en points de ralliement, car le trouble inhérent à ce support, me fait aller sans assurance au-delà de la surface, afin de pouvoir me perdre en profondeur dans d'insondables contrepoints. L'artiste peut même poser des feutres, comme des points d'attache saturés sur la relative froideur de ces papiers éteints, mais cassants, que sont les calques. Ces oeuvres peuvent m'apparaître d'une simplicite minimaliste, tout en me troublant par la complexité de ses tensions et des illusions qu'elles m'offrent en me proposant des points de vue, multipliant à l'infini les points de fuite. Et ce n'est pas par hasard que, de points de repère en points d'impact, l'artiste qui n'a pas oublié sa formation scientifique, me signale qu'il va planter sur le mur quelques pointes qui vont servir de points d'appui à des cordes afin de dessiner des formes géométriques apparemment simples, mais insidieusement complexes, pour tracer, sur et en avant du mur, des itinéraires orientés aux quatre points cardinaux. Ce travail « in situ » retrouvera les installations dans la nature que Richard Negre avait réalisé au cours de l'année précédente. Ces « cordages » inscrivaient au sol des enclos balisés par des sangles fluorescentes. Encore une fois, des points d'intersection sont reliés entre eux pour tracer des repères, sans autre fonction que de marquer des territoires d'illusion.
Point de non retour, au point d'oublier la démarche minimaliste du point de départ, pour ne retenir que la complexité de ce point de saturation... à tel point que je ne peux plus échapper à cet atelier, donc à cette oeuvre... point barre !

Bernard Point, 2008